Drive, par Nicolas Winding Refn
À l'occasion de la sortie le 8 juin du nouveau film de Nicolas Winding Refn, The Neon Demon, le devenu cultissime Drive a fait son retour sur le grand écran pour deux projections dans quelques cinémas parisiens. Devant cette opportunité inouïe d'admirer ce qui constitue à mes yeux un chef d’œuvre visuel, peu s'en est fallu pour que j'enfile une paire de chaussures et aille m'enfermer dans la salle obscure.
J'avais déjà aperçu le long-métrage lors de sa sortie en DVD en 2012 et donc vu sur le petit écran d'une télévision de mauvaise résolution. Et pourtant j'avais suffisamment été bluffé par cet ingénieux coup de maître. Je vous laisse imaginer mes impressions avec la résolution HD et l'effet canalisant du cinéma.
Carte d'identité :
Titre : Drive
Réalisateur : Nicolas Winding Refn
Genre : Action, Thriller
Date de sortie : 2011
Durée : 103 minutes
Avec : Ryan Gosling, Carey Mulligan, Bryan Cranston
DRIVE ME THROUGH THE NIGHT
Tiré du roman éponyme de James Sallis, l’œuvre se conforme aux standards du genre dans son intrigue. Du personnage principal mystérieux, le driver dont nous ne savons rien et pas même le nom, aux divers antagonistes qui ponctuent la narration, à savoir les truands qui requièrent ses services de pilote ou les bad guys qui font tourner l'histoire en film noir. Lorsqu'il n'est pas cascadeur sur les plateaux hollywoodiens, notre jeune prodige du volant (interprété par le talentueux Ryan Gosling) travaille dans un garage en tant que mécanicien pour Shannon, son manager (Bryan Cranston). La nuit, c'est une toute autre comédie qui se joue.
La mise à terme de cette alternance malsaine survient dès après la rencontre avec la voisine de palier, la jeune Irene (Carey Mulligan) et de son fils Benicio, qui apparaissent comme une réminiscence de jours meilleurs. Le tournant dramatique survient lorsque la peine de prison du mari d'Irene s'achève et que reviennent avec lui les problèmes de mafia, d'argent, et les règlements de compte qui auront pour effet d'intégrer le driver au cœur d'affaires sombres de vengeance et de complot.
DANGEROUS BUT FASCINATING L.A.
Dressant le portrait d'une ville en constant mouvement, l'action se déroule dans l'espace fragmenté par la circulation d'une Los Angeles enténébrée, éclairée par les seuls néons qui donnent à l'image sa coloration haute en eigthies, tout de bleu et de rose parsemée. Les visages, à demi-plongés dans la pénombre, baignés de bandeaux lumineux qui soulignent les regards inquiets, la méfiance constante à l'égard d'un monde d'où surgit sans cesse la violence la plus brutale, sont autant d'échos de l'héritage du cinéma noir. Winding Refn joue de ces codes, les sublime même. Il cultive une mise en scène, épurée mais néanmoins éloquente, soignée, magistrale. Chaque détail a été savamment pensé, chaque plan construit d'une efficacité ingénue.
Travaillant avec les matières comme avec les êtres, le réalisateur et son directeur de la photographie Newton Thomas Sigel dessinent la course des âmes esseulées, les destins qui s'entrecroisent tantôt dans une douceur inaltérée tantôt par excès d'irascibilité. À elle seule, la subjuguante scène de l'ascenseur constitue un morceau d'une limpidité hors-pair qui marque aussi bien la maîtrise du sage que le renouveau qu'il insuffle.
Apothéose de l'impersonnel, la sublimation du personnage principal dont on ne sait rien, pas même le nom, permet de révéler un charisme incroyable, un charme d'une extrême fascination et une honnêteté intarissable. Cette authenticité n'a d'égal que la pureté des échanges verbaux, pour lesquels la durée des silences qui s'immiscent et nous transpercent sont autant un gage de densité scénique que d'une délicate et mystique attente. Loin d'une théâtralisation outrancière, la musique se substitue aux dialogues, auréolée d'une incroyable bande originale vintage signée Cliff Martinez et pourvue de la participation du divin compositeur français Kavinsky.
